Karly McMullen
Les oiseaux de mer canadiens aident à lutter contre la pollution microplastique
Environnement et Changement Climatique Canada utilisent des espèces indicatrices telles que le fulmar pour surveiller l’évolution de la pollution microplastique

Il y a 15 ans, en 2007, Dre Jennifer Provencher étudiait les changements des régimes alimentaires des oiseaux de mer arctiques lorsqu’elle découvrit quelque chose de plutôt inhabituel : la présence de morceaux de plastiques dans leurs estomacs.
«Ce fut une révélation pour moi et, par la suite, j’ai commencé à me pencher sur la question des plastique,» se souvient Dre Provencher.
Cette découverte va la mener vers la Hollande où les fulmars étaient déjà contrôlés pour leur ingestion de plastique.
«La mer du Nord est le seul endroit où le contrôle et le suivi de la pollution plastique est légiférée et ce sont les fulmars que l’on utilise pour cela.»
«La mer du Nord est le seul endroit où le contrôle et le suivi de la pollution plastique est légiférée et ce sont les fulmars que l’on utilise pour cela.»
Aujourd’hui, Dre Provencher et son équipe de l’Écotoxicologie et Santé de la faune, une division d’Environnement et Changement Climatique Canada, analyse le contenu des estomacs des fulmars au Canada afin de contrôler les niveaux de pollution plastique et comment ceux-ci répondent aux changements des politiques qui les régissent.

Qu’est-ce que le fulmar boréal?

Les fulmars boréaux sont des oiseaux de mer que l’on trouve particulièrement dans le nord des océans Atlantique et Pacifique. Même s’ils ressemblent à des goélands, ils appartiennent en réalité à la famille des albatros et des pétrels. Ils jouent un rôle essentiel dans le suivi des microplastiques dans le Nord.
Les microplastiques sont des particules plastiques dont la taille mesure 5 mm ou moins. Ils peuvent être ingérés par la faune, provoquant ainsi l’écoulement possible de produits chimiques associés ou rattachés à ces plastiques. Ils n’ont aucune valeur nutritive lorsqu’ils sont ingérés, et ils donnent l’illusion à l’animal que son estomac est plein.
Le fulmar boréal appartient à la catégorie des espèces indicatrices, autrement dit, cet oiseau nous permet de mesurer le niveau de pollution microplastique les zones où il s’alimente
Les fulmars boréaux sont connus pour leur ingestion et accumulation de plastique dans leurs estomacs. En fait, il s’avère qu’ils ingèrent plus de plastiques que les autres oiseaux de mer, les mammifères ou encore les poissons. Ils se nourrissent principalement à la surface de l’eau où le plastique a tendance à flotter, ainsi que dans ces tourbillons océaniques, appelés gyres, où le courant récolte et capture des plastiques dont l’accumulation est telle qu’elle forme de vastes étendues telles que le grand vortex du Pacifique Nord (Great Pacific Garbage Patch).
Les fulmars sont d’excellentes espèces indicatrices pour le contrôle de la pollution plastique :
Leur zone d’alimentation est limitée à la surface de l’eau, autrement dit là où le plastique flotte.
En couvrant des zones qui s’étendent à environ 10 000km, leurs habitudes alimentaires quotidiennes nous donnent à elles seules un large échantillonnage des différents plastiques présents.
Puisque les fulmars résident en Arctique, au Royaume-Uni, en France et en Allemagne, les scientifiques peuvent ainsi comparer la pollution plastique de ces différentes régions nordiques. Cette comparaison a un poids déterminant pour évaluer l’efficacité des politiques mises en place à chacun de ces endroits.
«En récoltant différents échantillons d’eau, nous pouvons obtenir une mesure qui correspond précisément à un lieu et à un temps donné, ce qui est particulièrement intéressant pour répondre à certaines questions,» explique Dre Provencher. Même lorsqu’on cherche à avoir une vue plus globale de la pollution plastique, «ces oiseaux vont essentiellement se rendre à un endroit et effectuer d’eux-mêmes l’échantillonnage de la surface de l’eau.» Et c’est justement ce qui en fait de formidables espèces indicatrices.

«Les fulmars représentent un outil parmi les nombreux outils de contrôle à notre disposition,» explique Dre Provencher
En raison de la diversité de la pollution plastique, il est très difficile de choisir un indicateur plutôt qu’un autre. Lorsqu’on parle de pollution plastique et microplastique, il faut aussi parler, entre autres, de taille, des différents types de polymères, des additifs, etc.
Le choix de l’espèce indicatrice dépend donc largement des questions de recherche auxquelles on souhaite répondre. «Par exemple, si l’on veut se pencher sur l’impact de la pollution plastique sur la santé humaine, on va plutôt choisir une espèce qui est consommée par les humains,» explique Dre Provencher.
L’objectif est donc de commencer avec une question et de créer ensuite les programmes de contrôle en fonction.
Une approche qui privilégie la réduction globale des risques donne une plus grande chance de survie à ces espèces
«La pollution plastique, c’est avant toute chose l’histoire d’un produit qui se retrouve perdu dans notre environnement. Et ça, c'est un énorme problème. Il est impératif de le réguler pour la bonne et simple raison que la pollution plastique n'est bonne pour personne,» déclare Dre Provencher.
Par où commencer et où mettre la priorité, c'est là toute la difficulté. Sur quel produit plastique, quel type ou quel additif le gouvernement doit-il se concentrer en premier ?
De plus, lorsqu’on sait que des substances chimiques s’écoulent des microplastiques et que les animaux qui les consomment se remplissent l'estomac sans pour autant bénéficier de valeurs nutritives, on comprend bien que les microplastiques eux-mêmes ne représentent pas un seul, mais bien plusieurs problèmes à la fois.
«La menace des microplastiques sur les fulmars est un problème à plusieurs facettes. Le plastique est loin d’être notre seul souci,» explique-t-elle.
En effet, même si les fulmars consomment des plastiques depuis plusieurs décennies, ils combattent également d'autres sources de stress comme la pêche accidentelle ou encore les changements des états de la glace dans les mers.
«Dans un monde qui cumule les menaces environnementales,» explique Dre Provencher, «nous devons avoir une approche beaucoup plus cumulative.»